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Travail de Leslie sur Ruy Blas

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Travail de Leslie sur Ruy Blas Empty Travail de Leslie sur Ruy Blas

Message  Louiseanfray Ven 8 Mar - 15:35

Etude de Ruy Blas III,2


Quelle est la tonalité de ce discours ?

Dans cette seconde scène de l’acte III, Ruy Blas déclare un réquisitoire passionné qu’il
adresse aux conseillers du roi « en train de se partager les richesses du royaume ». Ce blâme
porte une véritable tonalité polémique marquée en particulier par une ponctuation très
expressive. En effet, les vingt-deux phrases exclamatives expriment la profonde indignation
de Ruy Blas qui amorce d’ailleurs son monologue avec véhémence et une ironie certaine :
« Bon appétit messieurs ! » Cette stupeur sera par la suite décuplée notamment par les
nombreuses occurrences d’interjections : « Et vous osez ! (l.35) et c’est ainsi (l36) Et ce n’est
pas assez ! Et vous voulez, mes maîtres ! (l 41) Ah! (l 42) Voilà, Hélas ! (l75). Cette répétition
de la conjonction de coordination à valeur additive : « et » établit bien dans ce contexte
précis une liste des aberrations des actions menées par les autres ministres.

En outre, cette tirade porte également une valeur épique irrémédiable. L’Espagne est en
effet personnifiée (l.7) et qualifiée « d’agonisante ». Tel un héros expirant, elle « tombe »
(l.10) de faiblesse après qu’elle a enchaîné de multiples défaites militaires (l.14 à 18).
L’Espagne est dorénavant « dans sa tombe » (l.9) et persécutée par ses différents ennemis.
Ainsi, est-elle regardée à la ligne 20 par l’Europe « en riant », partagée par la Hollande et
l’Angleterre (l.22), trompée par Rome (l.23) et convoitée par la France et l’Autriche (l.26 à
28). Ruy Blas évoque ensuite sa bravoure quant à l’effort de guerre vainement apporté à la
ligne 39 : « Le peuple misérable, et pressure encor, / A sué quatre cent trente millions
d’or ! » Nous noterons au passage l’allitération en « t » qui souligne dans ce contexte précis
la rudesse du labeur fourni.

Nous avons ainsi mis en évidence les deux caractères principaux de cette tirade de Ruy Blas
dont les tonalités sont essentiellement épique et polémique.

Pourquoi cette entrée en scène? Quelle est la fonction de ce passage dans le
drame ?


L’entrée en scène du personnage de Ruy Blas dans ce passage est très importante. Le
personnage éponyme a connu une véritable ascension sociale depuis le début de la pièce :
serviteur du roi à l’acte 1, il devient amoureux éperdu de la reine à l’acte 2 qui le nommera
d’ailleurs Premier ministre au début de l’acte 3. Ainsi, lorsqu’il survient comme le montre la
première didascalie dans cette scène, surprenant les conseillers du roi en train de se

partager le royaume, il détient déjà le titre de Premier Ministre le pourvoyant ainsi d’une
certaine supériorité sur les conseillers. Cette domination de Ruy Blas gagnée par la
hiérarchie est alors affirmée dès lors qu’il s’exprime : « Tous se retournent ». Il prend
toutefois le soin de se couvrir et de croiser les bras afin de gagner en confiance en lui et en
crédibilité dès-avis des conseillers. Ainsi s’adresse-t-il à eux « en les regardant en face », les
bras croisés tel un parent prêt à sermonner son enfant et assied il son autorité: « J’ai honte
pour vous » (l.42). Cette prise de confiance semble être réelle puisqu’il émane de lui une
crainte certaine provoquant le silence de surprise et d’inquiétude de son auditoire.
L’attention du public étant totale, Ruy Blas s’élance alors dans un long discours de 82 vers, à
l’intérieur duquel nous avons relevé quatre occurrences de la première personne du
singulier (l.36, 42, 58). Notons que les trois vers concernés, le pronom personnel « je » est
trois fois sujet et que les pronoms personnels « m’ » et « moi » du vers 58 sont
compléments. Ajoutons également que le « moi » est alors apposé et occupe la place
centrale de l’alexandrin. Ruy Blas, ayant été nommé Premier ministre a donc gagné en
estime de lui, ce qui explique le caractère indigné du personnage au vers 58 à l’idée d’avoir
été volé bien que désormais haut-placé dans la Cour. C’est à ce même titre qu’il juge
personnellement les conseillers « d’intègres » au vers 2 et éprouve même de la honte pour
eux au vers 42.

Ainsi, ce passage permet- il au drame de révéler le caractère profond du personnage de Ruy
Blas qui ose dorénavant s’exprime et « dire tout haut ce qu’il pense tout bas ». Il se distingue
alors de tous les autres ministres par une distanciation instaurée par le pronom personnel
« vous » répété à maintes reprises dans le texte.

A qui parle Ruy Blas ? Comment vous apparaît-il dans la scène ?


Ruy Blas s’adresse ici directement aux autres ministres conseillers du roi, comme nous
l’avons précédemment, mais également implicitement au roi, auquel il souhaite faire
entendre sa voix qui n’est autre que celle du « grand peuple espagnol aux membres
énervés […] qui expire dans cet antre où son sort se termine ». (vers 79) En outre, le
personnage de Ruy Blas apparaît comme duel dans cet extrait. En effet, il témoigne
d’une part d’une grande éloquence qu’il se permet grâce à son titre de Premier ministre.
Ainsi, déverse-t-il de nombreuses paroles injurieuses voire outrageantes. Il traite dès le
second vers les ministres « d’intègres », les compare vers 9 et dénonce aussi les frais
occasionnés par leur « filles de joie » au vers 38. Cette prolixité le mènera d’ailleurs à
dénoncer la passivité du roi en le comparant au vers 21 à un fantôme ; bévue qu’il
tentera ensuite de rattraper en l’exposant cette fois ci comme victime de l’effondrement
de son royaume. (v.74).

D’autre part, Ruy Blas ne semble toutefois pas encore accoutumé à son nouveau
costume de Premier ministre. En effet, alors qu’il s’apprête à débuter son discours, il
manque de peu de se couvrir, et donc de révéler son identité aux coupables qu’il prend
sur le fait. C’est ainsi in extremis qu’il « se couvre et croise les bras » pour assoir son
autorité. De plus, bien qu’il soit à présent un homme d’Etat, il est né dans le peuple et se
présente comme porte-parole de ce dernier dans la tirade. Notons la récurrence du
pronom personnel »nous » à l’intérieur duquel il s’exclut aux vers 13, 33, 49 et 61 ;
marquant ainsi sa proximité avec le peuple. C’est en particulier lorsqu’il déclare au vers
49 « Notre église en ruine est pleine de couleuvres » et (vers 61) « Espagnols que nous
sommes » qu’il semble exprimer la parole d’un paysan espagnol. Cette maladresse est
aussi notable au vers 41 : « mes maîtres », montrant ainsi une certaine soumission aux
autres ministres. Ruy Blas ne s’exprime alors plus au nom du Premier ministre du roi
d’Espagne, mais au nom de son serviteur issu du peuple.

Ainsi, cette tirade illustre-t-elle la dualité du personnage de Ruy Blas toujours en pleine
accoutumance à, son nouveau titre, qui fait entendre les deux voix de lui-même : celle du
Premier ministre et celle du serviteur.

En quoi ce passage répond-il à l’esthétique hugolienne du drame romantique ?


Cette tirade semble en effet exposer tous les poncifs du drame hugolien. Hugo a lui-même
déclaré que le drame tenait de la tragédie par la peinture des passions et de la comédie par
celle des caractères. Ainsi, lors de la création de cette scène, le dramaturge s’est-il glissé
devant son chevalet à l’instar d’un peintre pour nous composer un discours à la fois tragique
et comique. Il peint le tragique de sa toile en mettant en scène la passion que Ruy Blas
éprouve pour une « Espagne agonisante » et le comique de son tableau par le caractère
maladroit du personnage schizophrène qui jongle encore avec ses deux identités. Enfin,
cette scène répond également à l’esthétique hugolienne du drame romantique de par
l’éloquence lyrique du personnage évoquée précédemment, qui grâce à une tonalité
polémique et épique souhaite faire entendre la voix du peuple : il s’agit ainsi de la scène
d’exposition du héros romantique hugolien par excellence.[b]

Leslie Herbane

Louiseanfray

Messages : 8
Date d'inscription : 30/09/2012

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